Quand ça va mal entre les conjoints, plusieurs réagissent en cherchant une réponse ailleurs, dans les bras de quelqu'un d'autre.
Résultat: les infidélités se multiplient, les couples éclatent... À qui la faute?
UNE MENACE POUR LE COUPLE?
Si l'infidélité existe depuis toujours, on peut certainement dire qu'elle connaît ses heures de gloire depuis une vingtaine d'années. La valorisation de l'individualisme et du plaisir immédiat ont eu pour effet de modifier nos comportements. Dans bien des cas, les hommes et les femmes perçoivent l'engagement amoureux comme une contrainte qui brime leurs élans. Et aussitôt que quelque chose ne tourne pas rond au sein du couple, les partenaires se paient une petite incartade sans trop de remords. Mais qui dit infidélité dit aussi évitement, fuite et complication du problème. Au bout du compte, rien n'est réglé. Pas étonnant que les couples éclatent les uns après les autres!
«Nous vivons aujourd'hui une crise d'adolescence, explique la sexologue-psychothérapeute que nous avons interrogée. Depuis 1960, on s'est libéré du modèle obligatoire, instituant le couple comme la cellule fondamentale de la société. On a opté pour la dimension narcissique de la vie conjugale. Naïvement, les gens considèrent que l'amour doit être parfait, alors qu'il est défi, souffrance, et qu'il n'est jamais acquis. Heureusement, depuis une dizaine d'année ans, on remarque un retour du balancier vers des valeurs plus traditionnelles.»
Pour sa part, la psychologue que nous avons rencontrée, parle de la «dérive des sentiments». «Depuis une vingtaine d'années, dit-elle, on assiste à un certain déplacement de l'amour romantique vers l'amour passion. Mais sous l'une ou l'autre de ces formes, c'est la fusion qui est valorisée. Et cette image de l'amour relève davantage du mythe que de la réalité des rapports humains.»
L'infidélité: anodine ou dramatique?
«J'avais 28 ans lorsque j'ai eu une aventure extra-conjugale, raconte Danielle, vendeuse dans une boutique de vêtements. À ce moment-là, mes deux enfants commençaient à fréquenter l'école et je venais tout juste de trouver un emploi à temps partiel qui me libérait un peu de la maison.
Mon mari acceptait mal que je travaille à l'extérieur, mais moi, je manquais d'air... Un jour, j'ai rencontré cet homme dans un restaurant voisin de la boutique. II était plus âgé que moi, mais beaucoup moins conservateur que François.»
«Notre aventure fut passagère, dit-elle. Je l'ai vu à quelques reprises, le soir après mon travail et parfois à l'heure du lunch. Mais ça n'a pas duré. François a été mis au courant de l'affaire et ça l'a rendu malade. II ne mangeait plus, il était toujours triste. J'ai donc cessé de voir mon amant après avoir longuement discuté avec François. On a établi de nouvelles modalités dans notre façon de vivre et, depuis, ça va très bien entre nous deux.
En fait, je pense que je n'avais jamais arrêté de l'aimer. C'est plutôt notre relation de couple qui était devenue étouffante.»
Pour la psychologue, l'infidélité ne devrait jamais être perçue comme un événement anodin; mais il ne s'agit pas non plus d'en faire une histoire dramatique! «II existe différentes formes d'infidélité, qui ne mènent pas nécessairement toutes à une rupture, souligne-t-elle.
Par exemple, certaines personnes sont infidèles par faiblesse. Incapables de résister à l'attrait sexuel, elles multiplient les aventures extraconjugales jusqu'au jour où ces liaisons finissent par compliquer sérieusement leur vie de couple. D'autres, par contre, ont une aventure passagère, lors d'une étape précise dans leur cheminement personnel. C'est pourquoi il ne faut pas s'attacher uniquement à l'acte lui-même, mais plutôt aller au-delà, pour essayer d'en comprendre le sens.»
Après son mariage, Robert a connu une longue période de liaisons tumultueuses. II ressentait le besoin de s'épivarder, de tenter des expériences qu'il n'avait pas vécues dans sa jeunesse: «Marié à 19 ans avec une femme de cinq ans mon aînée, j'avais une conception assez frivole des rapports conjugaux. À mes yeux, ma femme restait évidemment la plus importante, mais je m'accordais le droit de la tromper à ma guise sans tolérer qu'elle discute mon comportement. Quand elle m'a laissé, j'ai enfin compris l'énormité de mes gestes. Après un an de rupture, j'avais bien mûri. Et elle a accepté de revenir...»
«L'infidélité est une menace pour le couple lorsqu'elle est sans cesse répétée, estime la psychologue. Ainsi, la personne qui trompe son conjoint régulièrement a une attitude contradictoire face à son engagement initial; elle démontre un manque de respect à l'égard du partenaire trompé. Or, il est difficile pour quelqu'un qui recherche la continuité de rester attaché à une autre personne incapable de résister à la tentation.»
L'éclatement des valeurs
Selon Wendy Leigh, auteure d'un ouvrage intitulé L'infidélité (éd. de l'Homme), des statistiques américaines révèlent que 72 % des hommes et 50 % des femmes auraient des aventures extra-conjugales. Ce phénomène s'applique donc aux deux sexes. Avec la libéralisation des moeurs, les occasions sont devenues plus nombreuses. Et le style de vie des partenaires rend la chose plus facile...
On a longtemps pardonné aux hommes leurs aventures sexuelles, sous prétexte qu'elles étaient motivées par des besoins physiques impérieux. Or, cette hypothèse n'a jamais été prouvée, semble-t-il. Quant aux femmes adultères, on les considérait jadis comme des personnes amorales, frivoles, qui faisaient la honte de leur famille; aujourd'hui, pourtant, elles sont généralement mieux comprises.
«Les femmes sont maintenant soumises à de nombreuses pressions sociales, explique la psychologue. L'éclatement des valeurs se répercute sur leur mode de vie, sur leurs conditionnements aussi. La réussite professionnelle a pris une importance considérable, tout comme la recherche de l'autonomie.
Si bien que, quand on ajoute à cela les conflits de pouvoir au sein du couple, certaines femmes trouvent parfois bien légitime de commettre quelques infidélités. Peut-être éprouvent-elles moins de culpabilité qu'avant. Évidemment, cela dépend des femmes.» Autrefois, l'homme se sentait menacé dans sa virilité (valeur importante par-dessus toutes) face aux aventures extra-conjugales de sa conjointe, tandis que ses propres infidélités lui semblaient parfaitement justifiables.
Mais il supportait difficilement que sa femme ose se conduire de la même façon, Pour sa part, celle-ci se sentait menacée sur le plan sentimental lorsque son mari démontrait un certain attachement à l'égard d'une autre femme. De nos jours, toutefois, on admet plus volontiers que les femmes - au même titre que les hommes - puissent éprouver une attirance sexuelle qui les conduit à l'adultère... Un fait demeure, cependant : toute relation de couple éveille chez les partenaires la crainte de perdre leur identité propre, ce qui les incite à se protéger contre cette menace.
«Or, c'est à partir du moment où chaque conjoint reconnaît ses limites et accepte ses craintes qu'il devient possible de créer une véritable relation de couple, mature et durable», estime la sexologue.
L'autre n'est jamais acquis
«J'ai trouvé ma femme et son amant dans notre lit, à 9h30 du matin, raconte Jacques, un architecte de 35 ans. Comme j'avais oublié un document à la maison, je suis revenu le chercher. L'auto de son patron, avec qui elle voyageait tous les jours, était encore garée dans le stationnement. J'ai vite compris pourquoi quand j'ai poussé la porte: ils étaient en train de faire l'amour. Quel accueil! Comme mot de bienvenue, j'ai eu droit à un dur «Qu'est-ce que tu fais ici?» Ça m'a littéralement renversé. Je tremblais de tous mes membres. Le seul sentiment qui m'habitait était celui d'une trahison. Tout ce que nous avions bâti ensemble, elle venait de le balayer du revers de la main. Par la suite, j'ai essayé de rester avec elle pendant quelques mois, mais la brisure était irréparable.»
Avec le recul, Jacques constate aujourd'hui certaines lacunes dans ses anciens rapports conjugaux. Par exemple, il avoue que lui et sa conjointe n'avaient jamais vraiment discuté au sujet de leur conception de la vie à deux. Dans son esprit, tout était clair: ni l'un ni l'autre ne devait avoir d'aventures à moins d'en parler ouvertement avant...
«Pour moi, le fait de vivre ensemble supposait le respect de cette entente implicite. Le seul point de discussion majeur qui ait marqué notre relation concernait le lieu de résidence. J'aimais la campagne, tandis qu'elle préférait la ville. Nous étions d'ailleurs en période d'essai lorsque cet événement est survenu. En fait, je sentais bien qu'elle n'était pas heureuse de vivre dans une petite banlieue.»
Malheureusement, bien des couples ne jugent pas essentiel de jouer cartes sur table dès le début de la relation; ils négligent d'aborder ensemble les aspects majeurs de leur entente. Pour la plupart des partenaires, l'amour qui les unit constitue un gage de sécurité. Or, les statistiques le démontrent: rien n'est moins sûr.
À ce sujet, Wendy Leigh affirme que «la première des mesures à prendre, aussitôt que s'amorce une relation sérieuse entre un homme et une femme, consiste pour les deux partenaires en un échange d'idées sincères et réalistes, au terme duquel chacun n'ignorera rien des intentions de l'autre et de ses réactions s'il est trahi un jour.»
Dans le cadre d'une relation intime, jouer à l'autruche n'est jamais rentable... pas plus, d'ailleurs, que de jouer les conquérants. L'homme et la femme ont besoin l'un de l'autre. Et si on prend la peine de bien connaître les attentes de son partenaire, il s'établit alors une meilleure communication. Cela favorise même la longévité de l'union.
«II ne faut jamais s'asseoir sur ses lauriers quand on veut évoluer au sein d'un couple, remarque la psychologue. Face à l'infidélité du partenaire, on se sent parfois trahie parce que l'autre n'est plus totalement disponible... alors que la victime a souvent elle-même cessé d'investir des efforts pour garder la relation intéressante.»
Une analyse constructive
«L'expérience de l'infidélité peut être considérée comme une merveilleuse occasion de se prendre en charge, de se regarder objectivement et de construire une relation plus intense, plus solide. On peut l'utiliser comme outil de développement dans le couple», estime la sexologue.
Bien sûr, il n'est pas facile de réagir aussi positivement devant un geste qui nous a blessée très profondément. Mais l'essentiel, c'est d'avoir assez confiance en soi pour ne pas se sentir démolie au premier écart de conduite, à la première divergence d'opinion, «Que l'autre nous aime ou non, cela ne nous donne ni ne nous enlève quoi que ce soit sur le plan personnel, explique pour sa part la psychologue.
II est très important de ne pas se sentir amenuisée dans sa propre identité lorsque l'autre entretient une liaison extra-conjugale. Qu'on l'accepte ou non, qu'elle soit fatale pour le couple ou non, la victime d'une infidélité doit être forte dans ses convictions et ne pas dépendre de l'amour de l'autre pour se sentir valorisée. En tout temps, on devrait être capable d'aimer tout en se faisant respecter.»
Claudie, 37 ans, a bien essayé de recoller les pots cassés après avoir appris que son mari la trompait. Mais il ne voulait absolument rien changer dans sa façon de voir les choses: «En fait, il considérait ses petites aventures comme les symboles de sa virilité et de son statut professionnel. II se fichait bien de mes principes concernant le mariage. Mes objections n'avaient aucune prise sur lui: je n'avais qu'à me conformer à ses caprices, un point c'est tout. Quand j'ai compris cela, j'ai remis en question l'ensemble de mes valeurs morales. Et après avoir évalué mon équilibre personnel dans mes relations avec lui et le reste de mon entourage, j'ai jugé qu'il valait mieux rompre. Je ne l'ai jamais regretté...»
L'engagement réciproque
Nous vivons à une époque de plus en plus exigeante sur le plan personnel. Dans ce monde individualiste, l'isolement nous guette. Par conséquent, les liens qui nous unissent à notre conjoint deviennent prépondérants; et pour maintenir ces liens, nous avons besoin de croire en la loyauté de l'autre. La plupart des gens - hommes et femmes - sont eux aussi devenus très exigeants face à leur relation de couple. Dès qu'un conflit se présente, c'est la catastrophe: on se demande si on a choisi le bon partenaire, s'il ne vaudrait pas mieux tout laisser tomber.
En même temps, nous sommes peu enclins à nous arrêter pour entamer une discussion sérieuse. C'est si facile de fuir... et tellement compliqué d'essayer de comprendre la vraie nature du problème. Le prix à payer pour continuer de vivre ensemble nous apparaît trop élevé. Résultat: l'attrait du plaisir immédiat et la volonté de garder notre couple intact créent des contradictions majeures.
Si la société contemporaine se montre plus tolérante envers celles qui trompent leur conjoint, pourrait-on en conclure que notre perception de l'infidélité masculine et féminine a vraiment beaucoup changé? Pas tant que ça, finalement. Notre inconscient collectif nous porte encore à excuser davantage les hommes adultères. À cet égard, le vieux modèle de couple traditionnel a la vie dure. «J'ai été amenée à découvrir que beaucoup de femmes présument, en se mariant, que leur mari les trompera un jour ou l'autre, alors qu'au contraire les hommes présupposent que leur femme sera toujours fidèle», relate Wendy Leigh.
Dans la recherche d'une réelle égalité des sexes, il reste donc de grands pas à franchir... et d'importantes mises au point à faire.
La notion d'engagement à sens unique ne mène jamais très loin. Aussi, pour évoluer sur la même longueur d'ondes, vous auriez avantage à discuter avec votre partenaire de vos attentes respectives. Pourquoi attendre? L'avenir d'un couple dépend souvent de la volonté réciproque des conjoints de construire ensemble quelque chose de durable. Et de satisfaisant pour les deux.
Les couples «libérés»
II y a cinq ans, Jean-Claude et Micheline ont décidé de s'accorder des libertés sur le plan sexuel, croyant que cela ajouterait du piquant à leur vie de couple. D'ailleurs, certains de leurs amis - mariés eux aussi depuis une dizaine d'années - partageaient cette vision des choses. À quelques reprises, ils ont donc organisé des échanges de partenaires avec eux.
Encore très amoureux de Micheline, Jean-Claude admirait son ouverture d'esprit... jusqu'au jour où il s'est rendu compte qu'elle ne se contentait pas de ces petites soirées intimes entre amis. À son insu, Micheline avait commencé à fréquenter quelqu'un d'autre. Et elle a finalement quitté Jean-Claude pour aller vivre avec un homme beaucoup plus jeune que lui...
«Ce genre d'arrangement très individualiste fait généralement plus l'affaire de l'un des conjoints que des deux, souligne la psychologue que nous avons interviewée. En fait, les couples «ouverts» sont rarement viables à long terme, sauf peut-être pour une minorité qui a une conception très superficielle de la vie de couple. Et malgré les grandes théories libertaires des années 70, l'amour demeure toujours exclusif.»
À ce sujet, on retrouve un passage intéressant dans l'ouvrage de Louise Auger, intitulé Pourquoi l'autre et pas moi (éd. de l'Homme, 1988): «L'engagement amoureux, dit-elle, même chez les couples ouverts, donne aux partenaires le droit d'exiger une sorte de fidélité affective, de responsabilité morale envers la relation. Cette responsabilité signifie garder la relation aussi intime qu'elle l'est devenue, la conserver intacte, la faire progresser et, surtout, se sentir lié envers la personne aimée.» Alors... attention au double jeu!
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